Devant une centaine de personnes, élus territoriaux, représentants de l’Etat, pompiers ou membres d’associations de victimes, les noms des 31 morts ont été égrenés, mardi. Des gerbes de fleurs ont ensuite été déposées au pied du mémorial.
Des hommages en ordre dispersé. Un « parcours mémoriel » officiel inauguré, mais des positions irréconciliables entre associations de victimes : Toulouse a commémoré, mardi 21 septembre, l’explosion meurtrière de l’usine AZF, survenue il y a vingt ans jour pour jour – la plus grande catastrophe industrielle française depuis 1945.
Sous un ciel gris, l’émotion était palpable à 10 h 17 quand ont retenti les sirènes sur le site de l’ex-usine chimique entièrement détruite.
Devant une centaine de personnes, élus territoriaux, représentants de l’Etat, pompiers ou membres d’associations de victimes, les noms des 31 victimes mortes ont été égrenés. Des gerbes de fleurs ont ensuite été déposées au pied du mémorial et une minute de silence a été respectée, sans discours.
« Pensées aux victimes et à leurs familles. La France se souvient », a réagi sur Twitter le président Emmanuel Macron. Le premier ministre, Jean Castex, a également tweeté : « La nation s’incline respectueusement en mémoire des victimes. » Mais aucun membre du gouvernement n’a fait le déplacement à Toulouse.
« Aucune cicatrice n’est refermée aujourd’hui »
La voix tremblante, France, 71 ans, peine à contenir ses larmes. Son père est mort quelques mois après l’explosion, des suites de ses blessures. « Il a eu les doigts arrachés, les genoux écrasés… Non, aucune cicatrice n’est refermée aujourd’hui », explique-t-elle.
Un peu plus loin, Roland Le Goff, un ancien salarié d’AZF, s’attarde sur le parcours mémoriel, inauguré par le maire Les Républicains de Toulouse, Jean-Luc Moudenc : neuf panneaux retraçant l’histoire de l’usine, la catastrophe, puis l’après avec les nombreux procès notamment. « Fier » que son ancienne usine soit « mise à l’honneur », l’homme de 70 ans est toutefois amer concernant la partie du parcours qui rappelle la décision définitive de justice : « Ça fait mal de le voir écrit noir sur blanc. Nous, on sait que ce n’est pas la vérité, et que la vérité, on ne l’aura sans doute jamais. »
Car vingt ans plus tard et malgré la condamnation définitive de l’ex-directeur du site et de l’entreprise, l’association Mémoire et solidarité d’anciens salariés d’AZF rejette la thèse de la justice selon laquelle le mélange malencontreux de produits chimiques, dû à des « négligences » ou à des « manquements aux obligations de prudence », a provoqué la déflagration.
Ce parcours mémoriel « ne fait pas et ne peut pas faire l’unanimité », reconnaît M. Moudenc auprès de l’Agence France-Presse, affirmant avoir invité toutes les associations à participer à son élaboration, en lien avec un comité scientifique. « Le drame a été d’une telle intensité que la douleur est là et la mémoire a du mal à s’apaiser », a-t-il ajouté, soulignant que « le plus important aujourd’hui [était] d’avoir une trace écrite » de ce douloureux chapitre de la Ville rose.
La cérémonie officielle boycottée
Un peu plus tôt, vers 9 h 30, une autre commémoration rassemblant une centaine de personnes s’est tenue à 2 kilomètres de là, au rond-point dit du 21-Septembre. L’Association des sinistrés du 21 septembre 2001 et l’association Plus jamais ça, qui boycottent la cérémonie officielle, étaient présentes. « Total coupable, Etat complice », ont scandé les manifestants.
Yves Gilbert, de l’association Plus jamais ça, a dénoncé « la bassesse de Total, qui n’a pas reconnu ses défaillances et n’a été condamnée à une amende correspondant qu’à dix minutes de son bénéfice annuel ». Pour Stéphane Dufau, de l’Association des sinistrés du 21 septembre 2001 et qui a été grièvement blessé, « pas question non plus de participer à la commémoration officielle à côté des gens de Total qui ne veulent pas reconnaître leur responsabilité ».